La diplomatie c’est aussi le business ! Le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey a soutenu mardi que la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) va permettre aux entreprises africaines de mieux commercer entre elles.
“L’un des handicaps pour l’intégration africaine c’est le commerce. Le commerce intra-africain représente à peine 3% dans tous les pays africains. Ce qui n’est pas normal. Donc il est question aujourd’hui de pousser les africains à faire du commerce entre eux”, fait-il savoir lors d’un panel arbitré par Raymond Assoukou Krikpeu, représentant local de l’Uemoa au Togo lors de la semaine du secteur privé.
A en croire le ministre Dussey, la Zlecaf émane de la volonté des chefs d’État de l’Union Africaine pour permettre aux entreprises africaines de s’intégrer et de faire du commerce sur le continent africain.
Mais pour qu’il y ait un business intra-africain, il pense qu’il faut qu’il y ait des entreprises africaines et pour qu’il y ait des entreprises Africaines, il faut qu’il y ait des industries Africaines”.La phase opérationnelle de cette zone est prévue pour démarrer le 1er Juillet 2020 et se traduira par le démantèlement progressif des droits de douanes. Abordant le sujet sur un angle beaucoup plus technique, Dr. Stéphane Akaya, conseillé économique à la primature togolaise a mis en exergue quelques défis liés à la Zlecaf.Il a d’abord abordé la capacité des Etats à se prendre en charge sans les recettes fiscales.
“Si je prends par exemple le cas du Togo, nous vivons excessivement des recettes douanières. Donc ça veut dire qu’il faut déjà anticiper sur la diminution drastique de la recette fiscale parce qu’aujourd’hui, la distribution c’est 48% de fiscalité intérieure et 52% de droit de douane. Il faut déjà penser à comment nous continuerons par assurer le développement en interne notamment sur les infrastructures, les besoins sociaux, les écoles, etc.” développe-t-il.
Il a ensuite touché la compétitivité hors prix et la compétitivité prix avant de mettre l’accent sur la nécessité de travailler sur une monnaie africaine au risque de voir des entreprises hors Afrique bénéficier plus de la Zlecaf.
“Sur la compétitivité hors prix, si on prend entre le Nigeria et le Togo, nous n’avons pas les mêmes populations que ce soit la compétitivité globale du travail ou la productivité du secteur agricole, nous n’avons pas les mêmes productivités. Nous risquons d’avoir la perte de notre tissu industriel. Donc il faut un instrument pour permettre à nos entreprises de se mettre à niveau déjà et avoir la capacité de commercer avec les autres du continent”, martèle l’économiste.
“Nous ne pouvons pas développer nos économies sur la base du commerce. Le développement d’une économie se fait sur la base d’industrialisation. Notre tissu industriel est quasiment inexistant. On nous fait l’éloge d’un marché d’un milliard deux cents millions d’habitants. Mais Qu’est-ce que nous avons à y vendre en tant que togolais ?” s’interroge Yves Badohu, vice-président du patronat, directeur général de Togo Food.
En guise de réponse à toutes ces inquiétudes, le ministre du commerce, Kodjo Adedze, a tenté de démontrer que la Zlecaf est plutôt une opportunité.
“Le 1er juillet 2020, moi je n’ai pas peur. Lorsque vous prenez le PND, rien que l’axe 2, cet axe ambitionne un changement de paradigme. On ne va pas continuer à envoyer nos matières brutes à l’extérieur et le ministère y travaille. Les règles de traçabilité, de qualité, la politique industrielle a été tout récemment validée en conseil des ministres. C’est un ensemble de package que nous sommes en train de piloter au niveau du gouvernement pour que nos produits puissent être compétitifs”, rassure-t-il.
Pour le Togo, les avantages potentiels de la zone de libre-échange continentale africaine portent entre autres sur l’accès à un marché régional plus large pour les produits fabriqués au Togo; des conditions améliorées pour créer des chaînes de valeur régionales et une intégration aux chaînes de valeur mondiales.Egalement, les consommateurs togolais auraient accès à des produits importés à bas prix venant d’autres pays africains, les producteurs prendraient un avantage des économies d’échelle et auront accès à des matières premières moins chères. Les défis liés aux accords commerciaux multiples et qui chevauchent seraient éliminés.
Des projets inscrits dans le Plan national de développement et vu la structure d’exportation du Togo, les produits identifiés comme devant faire objet d’une stratégie de promotion à l’exportation sont le coton, le maïs, le manioc et ses produits dérivés, l’igname, le riz, le soja, le café, le cacao, les graisses et huile, les cultures maraîchers, le ciment et d’autres produits à identifier lorsque de nouveaux marchés s’offrent.Aux côtés des gouvernements, la Fédération internationale des chambres consulaires pour l’Afrique (FICA) travaille avec l’Union Africaine (UA) pour mettre en place un document centré sur les petites et moyennes entreprises (PME).
“Il faut pouvoir renforcer les capacités des entreprises avant qu’elles n’aillent faire du commerce dans les pays voisins. Il faut qu’elles produisent mieux, il faut qu’on les connaisse, il faut qu’elles aient des financements donc c’est tout un écosystème”, soutien Ticha Virginie, présidente de FICA.Tout compte fait, beaucoup de travail reste à faire pour effectivement permettre aux entreprises togolaises à faire face aux avantages comparatifs des industries de l’Afrique du Nord, de l’Afrique du Sud, ou encore de l’Afrique de l’Est.
“Je crois qu’il faut rester optimiste parce que les défis sont réels mais à un moment donné nous devrions prendre nos responsabilités. Pour vous qui êtes des hommes d’affaires au Togo, il faut penser à plus de qualité que de vouloir faire la quantité. En mettant l’accent sur la qualité, nos produits ne seront pas vendus pour les sept millions de togolais que nous sommes mais, il sera vendu dans toute la zone. C’est aussi ça le côté positif de la chose”, suggère le ministre Robert Dussey
La tâche est ardue mais reste glorieuse.
Source: www.agridigitale.net